Conservés, érodés ou ressuscités, les murs, les murets et les murgers font partie de notre patrimoine et marquent profondément le paysage bouquin. Héritage historique fragile, ils participent à l’identité et à la mémoire des lieux, témoignent de savoir-faire et de pratiques socio- économiques et culturelles anciennes, ils sont en lien étroit avec les ressources naturelles locales dont ils sont issus.
Ces agencements de pierres sèches ont plusieurs fonctions, qui ont évolué au cours des siècles. Evoqués dès le Moyen-âge, ils servaient alors à préserver les cultures de l’intrusion des animaux. Ces murets sont le résultat de l’épierrement, indispensable pour cultiver les sols bouquins. Au XIXe siècle, la construction de ces murets se développe sous l’impulsion de deux éléments : l’essor de labours plus profonds, qui entraîne une augmentation du nombre de pierres soulevées, et le partage des terres, qui conduit à un morcellement du foncier. Les murets de pierres servent alors à délimiter les propriétés. Ces éléments du patrimoine bâti constituent une richesse pour Buffard. Pourtant, ce patrimoine tend à disparaître par manque d’entretien et suite à l’emploi d’autres matériaux de construction et de clôture.
Aujourd’hui encore, ces murs délimitent les propriétés, soulignent les particularités du relief. Ils dessinent les rues et ruelles, et les chemins réalisent des enclos autour des habitations. Les murs de pierres, associés à un maillage de haies polyvégétales, forment une trame minérale-végétale couvrant un large spectre de la typologie bouquine. C’est cela notre identité !
Au regard de nos ancêtres Bouquins, nous avons un devoir de mémoire, nous nous devons d’entretenir nos murs. Ces murs qui, en millions de hottées, modèlent un visage heureux, paisible à notre village. Qui saura nous dire la peine obscure de ces hommes au dos courbé ?
Ils travaillaient dur à cette œuvre aujourd’hui séculaire. Leurs besognes sont travaux de titans ! Les murs et murgers sont témoins d'habitants robustes et du passé vigneron de Buffard. Ces Bouquins à l'espoir surnaturel, la hotte à leur service et le fassou à la main, au prix de grandes souffrances, de sueur au front plus que nul ne l'imagine, épierrent Fournet et Mont Pétrus* (*pétrus = pierre) pour nous léguer ce trésor ! Aujourd'hui, cependant, une question me taraude : que nous diraient ces gens pleins de foi, s’ils revoyaient leurs ouvrages ?
Privilégions, conservons, entretenons, nettoyons, dévégétalisons les murs et les murets qui valorisent les abords de nos maisons, de nos rues, de notre village… ainsi, nous saluerons ce labeur d'autrefois !
Pour finir, j’ajouterai la nécessité aujourd’hui de conserver et entretenir ces murs, par écologie. Effectivement ils abritent toute une population d'insectes, d'oiseaux qui y nichent, forts utiles aux jardins et à l'écosystème. Egalement par économie (matériaux moins chers et à la portée de chacun plutôt que béton compact, froid et uniforme) et par souci de cohérence pour l'identité du village, son charme et sa valeur touristique...
